J’ai commencé à la FN à l’âge de seize ans, en septembre 1956. Je suis rentrée dans le grand hall, ce n’était que des larges lanières, des courroies de tous côtés, par milliers, une chaleur étouffante, même en automne. C’était très impressionnant, très noir... Il n’y avait pas d’air, il n’y avait rien. Ca puait l’huile, les eaux blanches, une odeur très caractéristique.
Pia Agosta - Femme-machine
Il y avait une grande porte à deux battants et il faisait chaud, c’était ouvert. Il y avait plein de bancs de limeurs posés le long d’un mur et quand on arrivait au bout de ce mur, on découvrait les groupes dans l’ensemble.
Tu voyais des machines, tu voyais des courroies, tu voyais des fils électriques... Tu ne savais même pas de quel côté tu devais regarder tellement tu étais saisi de voir tout ça. C’était comme une ruche !
Berthe Demain - Femme machine
Vie quotidienne
Quand mes parents travaillaient tous les deux à l’FN, j’étais gamine, j’aimais bien manger les tartines qu’ils m’apportaeint du travail parce que je disais : « C’est des tartines du travail. »
Mon père avait aussi un bidon en fer, le matin, il y mettait du café avec des morceaux de sucre et quand il revenait, il prenait de l’eau aux petites fontaines parce qu’elle est toujours froide. J’aimais vraiment bien boire l’eau de l’FN. Je ne sais pas pourquoi, c’est bête mais pour moi ça représentait quelque chose.
L’FN, j’en rêvais pendant la nuit parce que j’en entendais toujours parler et on habitait à côté, donc je voyais les ouvriers tous les jours.
Une nuit, je me suis levée, j’étais somnambule. J’avais un lit cage, tu sais, pas à barreaux, c’était des petits fils de fer. J’ai enjambé le lit et ma mère m’a dit : « Qu’est-ce que tu fais ? » - « Ben, j’me lève ! » Elle me questionnait et je dormais ! « Pourquoi ? » me dit-elle, « Ben pour aller faire mes tartines ! » « Pourquoi faire ? » « Pour aller travailler. » « Et où travailles-tu donc ? » « Ben à l’FN ! »... J’étais petite, j’avais six-sept ans, j’étais déjà marquée par l’FN.
Yvette Henrottay - Femme-machine
Publié dans « Femmes-Machines », sous la coordination de Catherine Libert, s. d., Yellow Now
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